Libération de Metz en 1944

Extraits du témoignage de Martin Muller ayant accompagné les Américains lors de la libération de Metz en 1944.

Le 13 novembre 1944, à 13 heures, il avait été constaté que sur le pont de l’usine à gaz et sur le pont du château d’eau de Montigny il n’y avait personne sur la route.

A la sortie de Montigny il y avait une première batterie allemande qui s’installait et les SS du fort de Saint Privat arrivaient pour miner le terrain d’aviation de Frescaty. Une deuxième batterie se trouvait près des ruines du château de Frescaty.

Le 17 novembre le commandement des Américains s’installèrent dans les caves du château de Frescaty qui était en ruine. Les chars américains allèrent jusqu’à la hauteur du fort Saint Privat et l’entourèrent.

Le 19 novembre ordre était donné de se diriger vers Montigny. Avec deux chars le nettoyage de toute la partie basse de Montigny, devant le chemin de fer, commença. Les allemands se défendaient à la mitrailleuse. Les américains avaient nettoyé jusqu’au pont qui était écroulé. Les hommes pouvaient passer mais pas les chars qui s’installèrent en haut avec leur canons.

A 6 heures du soir, avancée en file indienne le long des maisons jusqu’à la place Saint Victor, où ils prennent position.

De temps en temps, tir d’une bande de mitrailleuse sur la gendarmerie, les allemands y répondaient. Ensuite un gros de la troupe occupa les ateliers de Montigny où furent installées une vingtaine de mitrailleuses qui commencèrent à tirer sur le fort Saint Privat.

Il y avait deux groupes ennemis sur la place du marché et deux autres près du séminaire qui tuèrent cinq hommes dans une jeep.

Les américains continuèrent jusqu’à la rue de Reims, sans bruit avec des semelles de caoutchouc. Arrivés à la fabrique d’eau de javel, ils vérifiaient les maisons et les caves, puis dans la rue du génie, rue de la Vacquinière, où se trouve la maison où avait habité le Général de Gaulle.

L’infanterie qui suivait le long du canal avait pris position.

La place Philippe de Vigneulles était entourée de barbelés, il s’agissait donc d’une place forte protégée par l’hôpital. On ne pouvait pas tirer sauf au mortier. Elle fut contournée pour atteindre le bar de Verdun. Une patrouille allemande venait de l’île saint Symphorien pour rentrer au lycée de jeunes filles, également entouré de barbelés.

Le lendemain, le 16eme bataillon des chasseurs à pieds français devait prendre le palais du gouverneur. Les américains passant par la route de Montigny prirent Montigny qui fut libéré avant Metz. Puis ils prirent le palais du gouverneur ainsi que la caserne Barbot où les lampes étaient encore allumées et où les cuisinières fumaient encore. Les allemands s’étaient sauvés en abandonnant tout cela.

Les américains par le pont de Frescaty fonçaient avec leurs chars sur la gare centrale et occupèrent tout le quartier jusqu’au palais de justice. La 95eme division descendant de Queuleu fit la jonction devant l’hôtel Royal le 20 novembre vers 13 heures. Metz était libéré. Les chars avaient pu passer parce que le pont du gaz et de l’eau n’était pas sauté, lui seul n’avait pas été miné.

Les combats continuèrent devant la préfecture.

Les américains s'étaient installés rue Charlemagne à l’hôtel Regina, le général Walker était à l’hôtel Royal, tout le quartier était protégé par des chars.

Repas au globe pour environ 300 officiers. Tous les jours après le repas il y avait conférence.

La nuit patrouille de police dont le colonel était installé au Windsor, dans le bureau à côté du café, bâtiment qui sera occupé ensuite par les chaussures Bata.

Toutes les deux heures une autre patrouille pour la sécurité de la ville.

22 postes de sentinelles avaient été installées autour de la préfecture. A chaque ronde le mot de passe était demandé ainsi que les renseignements recueillis pendant les 2 heures.

5 hommes avaient été placés devant la préfecture toujours occupée par les SS, près de la maison écroulée sur le pont.

Au moindre mouvement, la mitrailleuse ennemie leur tirait dessus par l’ouverture qu’on voyait du pont. Impossible de traverser celui-ci.

Le soir rentrés à Metz, nous avions placés des sentinelles devant le pont de la préfecture. Le lendemain un civil ivre s’était engagé sur le pont en criant « oh moi je vais les déloger ». Lui ayant dit de rester là, il n’avait pas obéi. Il n’avait pas fait 20 mètres qu’une rafale de mitrailleuse l’abattait.

Il fallait longer un talus de terre, puis prendre le souterrain devant l’hôtel du lion d’or, pour arriver ainsi au pont des grilles où était placée la sentinelle. Continuation par l’arsenal 1 dont on refaisait le tour.

Retour à Montigny, aux régates pour y placer des sentinelles, parce que cette rive de la Moselle, de l’île Saint Symphorien et tout le quartier jusqu’à Moulins et même Moulins n’étaient pas libérés.

Ce ne fut que le lendemain et le surlendemain que cela allait mieux de ce côté alors que la préfecture se défendait toujours.

Le 2eme jour, le génie américain entre 7 h et 9 h du matin, avait construit son pont à l’emplacement du pont des Grilles. Les MP le surveillant, les chars purent prendre position de l’autre côté. Le quartier de l’abattoir fut nettoyé et la préfecture contournée.

Le 3ème jour le général allemand qui commandait la préfecture, eut une jambe fracassée et fut fait prisonnier en se rendant à l’hôpital Belle-Isle. Il aurait encore voulut continuer à tirer mais il vit que cela n’en valait plus la peine et il arrêta les combats de la préfecture.


Les patrouilles de police de nuit continuèrent, puis un jour arrivées place Mazelle vers 2 h du matin, il y avait 2 cars qui arrivaient par le petit pont entre le moulin militaire et la porte des Allemands.

La patrouille les arrêta en criant « halte papiers » Un commandant cria : Gendarmerie, c’est malheureux de passer par un pont pareil pour entrer à Metz, pour aller rue Maurice Barrès dont on connaît la route. Il leur fut dit vous ne pourrez pas y aller, parce que tout est troué par les anti-chars, place Saint Louis, rue Serpenoise, pas question de passer avec vos autobus.

Emmenée rue Maurice Barrès, la police française était entrée à Metz. A partir du lendemain chaque patrouille était accompagnée par un ou deux gendarmes.

Le lendemain place de Chambre une patrouille allemande venue dont on ne sait où, leur tira dessus faisant un mort.

Quand le jour pointait retour au Régina, pour dormir un peu, mais la toiture étant trouée il y avait 20 cm d’eau. Après deux ou trois heures de sommeil, nouveau départ.

Le fort du Saint Quentin était bombardé jusqu’au 6 décembre par l’artillerie lourde placé près du château de Frescaty.

Le fort était occupé par 800 allemands et un général qui devait prendre le commandement de Metz si l’offensive réussissait. Par radio il lui fut demandé de se rendre. Il demanda 48 h pour réfléchir, mais savait-il que Metz était libéré ?

Au bout de 2 jours il se constitua prisonnier avec ses hommes sans arme, en haut de Plappeville.

Dans le fort il fut trouvé 200 vaches qui avaient été tuées depuis quelques jours et qui pourrissaient là.

Le 20 décembre on se préparait à évacuer Metz. Les tirs d’artillerie se rapprochaient de plus en plus. Le génie américain commença à miner les ponts. Toute l’armée était partie sur Bastogne. Il n’y avait que les français mal équipés qui restaient.

Metz tout juste libérée un mois avant et qui commençait tout juste à respirer et à revivre, entrevit l’instant fatal où il faudrait l’abandonner.

Heureusement la situation fut rétablie. Les gens revenaient, rien n’était démoli sauf les ponts.

En ce qui concerne les maquisards avant la libération de Metz, il existait des groupes qui sabotaient par ci par là et qui passaient des prisonniers.

Tout le monde était obligé de se cacher car les allemands ramassaient tous les civils valides pour les envoyer du côté de Morhange pour creuser des tranchées.

Des rubans de FFI avaient été trouvés dans une boite de l’usine de l’électricité dans la rue Gambetta. En nettoyant ce quartier il avait été fait une vingtaine de prisonniers allemands qui logeaient au premier étage du bâtiment. Le sous-officier avait caché cette boite sous son lit. Elle contenait des rubans FFI, un calepins avec des noms, un revolver. Les allemands l’avait trouvée dans le bureau de Monsieur Krieger, chef départemental des FFI, devenu plus tard député de la Moselle. Il était alors directeur de cette usine. Les américains ont gardés ces objets comme souvenirs. Sur les rubans aucun nom inscrit. C’était des rubans bleu blanc rouge, FFI brodé dessus, avec une épingle de sûreté pour les accrocher au bras.

Rappel de l’histoire des passeurs massacrés par les tueurs du Struthof, qui venaient dans les fermes. Après le passage du train de Compiègne avec Jean Moulin et les autres déportés passant par Metz, dans ce train là un trou avait été aménagé dans le plancher du wagon, suffisant pour qu’un homme puisse passer au travers. Sur le pont de Magny bombardé un mois auparavant, les trains ne roulaient pas vite, 3 à 5 km à l’heure. Les déportés profitant de ce ralenti, se laissèrent tomber par le trou sur le pont provisoire pas très solide. 18 étaient parvenus à s’échapper, mais pas plus, car après le pont le train reprenait son allure normale. Il parait que Jean Moulin était l’un des 18. On l’avait trouvé blessé et il était mort à la gare de Metz. Quelques uns de ses compagnons s’échappèrent, d’autres furent repris. Comme punition pour les passeurs de prisonniers, on envoya les tueurs du Struthof dans toutes les fermes de la région frontière où l’on était soupçonné d’avoir aidé aux évasions. L’on ne sait pas comment les membres de la chaîne évasion ont disparus.

Le document complet se trouve aux archives départementales (j6356)

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