La guerre de 1870 autour de Metz - suite 7

Du 10 au 20 octobre

Récit du médecin

11 octobre il y a eu hier grand conseil de guerre chez Bazaine, tous les généraux avaient été mandés presque à l’improviste.

Quelque communication importante a été faite ou quelque décision grave a été prise, on n’en sait encore rien.

On confirme la nouvelle de la victoire à Etampes le 19 septembre, mais rien n’est encore officiel.

L’abbé Lamarche s’offre très obligeamment à me faire prendre quelque chose de chaud chez lui chaque matin avant mon service.

La population de Metz se rend sur la place de l’hôtel de ville, arrache les aigles des drapeaux et proclame la république.

La garde nationale envoie au général Coffinières une députation qui demande que le commandement mette un terme au système de silence dont on use envers la ville.

Les messins veulent être traités en gens raisonnables et être mis au courant des nouvelles qui intéressent la ville et la patrie.

Coffinières répond qu’il va se rendre à l’instant au Ban Saint Martin, porter à Bazaine les vœux exprimés par la députation.

12 octobre communiqué de Bazaine affiché dans la ville, affirmant qu’il est impossible de rien affirmer des nouvelles dont il est question depuis plusieurs jours, déclarant que depuis le commencement du blocus, il n’a jamais eu de communication avec le reste de la France. Il n’a donc jamais pu rien faire connaître aux habitants de la ville, d’un fait qui eut un caractère de certitude.

On dit qu’il est question dans l’armée de faire une trouée à laquelle l’infanterie seule prendrait part. La cavalerie et l’artillerie, en partie démenties, resteraient ici.

La ville n’aurait plus que pour 10 à 15 jours tout au plus de vivres.

13 octobre au déjeuner Lefort annonce que Liegeois et Good sont décorés. Il veut bien me dire que mon tour viendra plus tard. Effets divers à ces nominations.

Maffre lui-même a apporté la nouvelle à Lefort en y joignant des rubans qu’il a achetés en route. Les brevets doivent être remis ce soir.

Manifestation populaire, on crie à la trahison, à bas Bazaine, etc…

14 octobre mauvaises nouvelles, on a posé cette nuit des placards accusant Bazaine de trahison et demandant son remplacement par Ladmirault.

On parle plus que jamais de capitulation et l’on prétend que nous aurons une solution dans les 48 heures.

Les gens de la ville sont très remontés et veulent de la défense à outrance.

Il règne dans l’armée un grand mécontentement qui est divisé en deux parties :

- L’un veut que l’on essaie de percer les lignes ennemies,

- L’autre trouve plus prudent de rester sous la protection de la ville.

Hier soir il y a eu des rassemblements assez nombreux et d’une attitude assez caractérisée, pour qu’un officier se soit autorisé à requérir la troupe casernée au marché couvert.

Les bourgeois ont trouvé joli de couronner de fleurs la statue de Fabert et de lui mettre en mains un drapeau tricolore.

On affiche un arrêté de Coffinières qui ordonne qu’à partir de demain il ne sera plus fait qu’une seule sorte de pain dans lequel entrera toute la farine non blutée. Le prix sera de 0,45 le kilo.

Chaque habitant aura droit à 400 gr de pain pour un adulte et 200 gr pour les enfants. Chacun recevra une carte numérative indiquant le nom du boulanger chez lequel il devra se fournir.

Il est interdit aux boulangers de donner du pain à ceux qui n’auraient pas de carte, ainsi qu’à ceux qui présenteraient une carte indiquant un autre boulanger. Il leur est aussi défendu de donner à chacun plus que la quantité indiquée plus haut.

Les troupes qui sont casernées dans la ville sont consignées ce soir en prévision des troubles.


15 octobre On a entendu cette nuit et ce matin une vive canonnade dans la direction de Gorze et de Pont à Mousson.

Est-ce une armée qui vient nous secourir ?

Nous ne bougeons pas, Pourquoi ?

L’opinion de Bazaine est qu’on a entendu un écho du bombardement de Thionville. Les opinions sont très partagées à ce sujet.

Plusieurs pensent que le bruit vient de Pont à Mousson. La garnison de Montigny a entendu ce bruit très nettement.

Les bruits les plus sinistres circulent. La capitulation serait prochaine. Le général Boyer chef d’état-major de Bazaine serait chez les prussiens pour traiter de la reddition de la ville.

16 octobre je change mon cheval contre un autre beaucoup plus vigoureux, monté par l’ordonnance de Lefort et que personne d’autre ne pourrait monter.

Je rencontre Lemattre qui vient d’être décoré, Liegeois et Good nous donnent à dîner pour fêter leur croix.

On donne à chaque homme une ration de sel de 1 gramme, plus une bouteille d’eau salée pour 50 hommes.

Les prussiens envoient quelques obus sur Moulins, Saint Quentin leur répond.

Demande des messins à Coffinières, par l’entremise du conseil municipal, pour lui demander de s’associer à la défense de la ville.

Le conseil parle du douloureux étonnement avec lequel on a appris la diminution des ressources alimentaires de la ville.

Réponse de Coffinières recommandant le patriotisme et la patience. Il demande qu’on attende la décision du gouvernement de la défense nationale et se défend d’avoir fait mystère de la diminution des ressources.

17 octobre d’après les nouvelles, deux armées de secours seraient proches : l’une sur la route de Thionville, l’autre du côté de Pont à Mousson ???

18 octobre Boyer est revenu hier soir, quelles nouvelles apporte t-il ?

Ordre de Coffinières ordonnant la fermeture des portes à 4 heures du soir, on les ouvrira à 7 heures du matin.

19 octobre deux officiers de régiments différents font part des nouvelles suivantes :

- Le matin les colonels ont rassemblé leurs officiers et leurs ont dit de la part de Bazaine que Boyer avait eu à Versailles une entrevue avec Bismarck. Qu’il serait résulté de cette entrevue que Guillaume a la guerre aussi à charge que nous, et qu’il serait tout disposé à faire la paix.

Que de plus le socialisme règne en maître en France, que le monde ne reconnaît pas le gouvernement de la défense nationale, que Lyon a un gouvernement particulier, que Marseille a été pillé par les socialistes, et que le Havre, menacés et terrifiés par le même pacte, en sont venus à demander aux prussiens, des garnisons qui puissent protéger les honnêtes gens.

Bismarck déclarait que l’absence de gouvernement régulier était le seul obstacle à la paix. Il proposait donc que l’armée de Metz, le seul corps régulier qui existait maintenant en France, se retire avec armes et bagages et aille à Paris ou ailleurs, protéger l’établissement d’un gouvernement régulier.

Il ajoutait aussi que les différentes armées de volontaires avaient été dispersées par les prussiens et que la fameuse victoire d’Étampes dont on avait tant parlé ici, devait se transformer en une horrible défaite que nous aurions subie près d’Orléans.

Il savait aussi parfaitement que Metz ne pouvait plus tenir que très peu de jours, l’offre était donc disait-il désintéressée.

Boyer aurait dit aussi qu’il avait vu les lignes prussiennes autour de Metz, qu’il avait compté quatre enceintes fortifiées et que le passage de vive force serait chose entièrement impossible.

Boyer est reparti hier soir pour terminer les négociations.

- D’après d’autres versions les prussiens ne reconnaîtraient comme gouvernement constitué, que celui qui est issu du plébiscite et par conséquence par la régence de l’impératrice, le sénat et le corps législatif.

L’impératrice consultée au sujet d’un traité basé sur une concession de territoire, aurait décliné la responsabilité d’un pareil acte et Boyer serait parti pour Londres afin de négocier avec elle.

Quoiqu’il en soit de tous ces bruits, nous aurons une solution prochaine, la situation annexée étant à un point qui exclut les atermoiements.

La ration de pain est réduite ce matin à 300 gr et la ville se refuse à donner du pain à l’armée. De plus les prussiens pour hâter le dénouement, chassent de chez eux les habitants des villages qu’ils occupent dans les environs et les envoient à Metz.

En calculant le temps nécessaire au voyage de Boyer on espère avoir une réponse le 23.

20 octobre nous ne parlons plus que du mode de retour. Où ira l’armée, la suivrons nous ?

Les chemins de fer étant au pouvoir des prussiens, nous devrons faire la route par étape. Aussi chacun s’occupe t-il avec ardeur d’avoir un cheval ou d’en trouver un bon si le sien est mauvais.

Si nous suivons l’armée, il est à craindre que nous nous trouvions dans des pays dénués de tout et que nous n’ayons à craindre la disette.

Lefort pense nous mener d’abord à Nancy où nous avons laissé des vivres et ou rien ne doit manquer, puisqu’il n’y a pas eu de siège subi.

Puis nous nous y rendrons par une route différente autant que possible de celle que suivra l’armée.

Mais l’armée ira-t-elle à Paris et aurons nous le choix de la route ?

Chacun fait ses préparatifs. J’achète des vêtements chauds et je mets ma sellerie en état.

Ordre de Coffinières qui prescrit la fermeture à 7 heures du soir des barrières du pont des Morts et du Pontiffroy. La ville est ainsi divisée en deux parties.

à suivre

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