La guerre de 1870 autour de Metz - suite 2

Du 21 au 31 août par le maire de Plappeville

23 août - note officielle La portion des glacis de Metz affectée au 6ème corps pour se procurer du bois au moyen des abattis du génie, est celle qui s’étend depuis la lunette située en face de l’église Saint Simon, dont on aperçoit la tour en dedans de l’enceinte, jusqu’à la porte de Thionville et au-delà.

Un bureau de distribution, sous la direction d’un comptable, sera établi au centre de ce terrain. Le débit de bois commencera dès que la corvée de 100 hommes commandée hier, mais encore réduite à une douzaine d’hommes, sera à la disposition de ce comptable.

Le maréchal commandant en chef a fixé à 0,12 l’indemnité qui sera accordée aux hommes de troupe lorsqu’ils ne pourront recevoir la ration journalière de 25cl de vin accordé en compensation.

Du 21 au 31 août par le médecin militaire

Metz 20 août 1870 Pendant notre séjour à Nancy et pendant les premiers jours à Metz nous n’avons pas fait grand-chose. Ensuite nous avons eu trois batailles avec de pertes énormes des deux côtés, des morts et des blessés dont quelques blessées avec des mutilations de toutes sortes. Bien que nous soyons restés maîtres du champ de bataille, le mouvement de retraite continue et les prussiens occupent chaque jour les positions que nous avons abandonnées. Nous avons établi des ambulances dans le voisinage des champs de bataille et nous avons commencé à fonctionner. Nous avons fait une excursion dans les lignes prussiennes où nous avons demandés des prisonniers blessés. Notre demande a été bien accueillie et nous sommes rentrés à Metz en ramenant 76 prisonniers français blessés. Ce jour là que j’ai fait connaissance avec le champ de bataille. Horrible spectacle que le pêle-mêle des cadavres de chevaux et d’hommes. Nous sommes indécis et allons peut-être installer un hôpital à Metz d’où rayonner aux environs.

21 août double expédition à Colombey pour ramener des blessés et à Rozérieulles où là peu de blessés. Nous franchissons les avant-postes prussiens sans observation et prenons le même chemin que le 17 août pour aller à Gravelotte où il y a beaucoup de blessés. Nous arrivons au haut du coteau à l’auberge du Point du Jour où nous étions déjà allés le 17 et où se trouve l’armée française. Nous trouvons des traces de combat et de nombreuses fosses pour enterrer les morts.


Une ferme que nous avions vue est complètement détruite, nous nous arrêtons là pour aller parlementer pendant une ½ heure causant avec un médecin prussien. Des soldats autour de nous ayant habité Paris parlent français. Nous voyons manœuvrer les troupes Prusses. Arrivée d’un général qui nous intime l’ordre de nous en aller, mais Lefort et un autre médecin vont être conduits au quartier général. Nous les voyons arriver à cheval, les yeux bandés, les chevaux menés par un soldat et accompagné d’un cavalier. Par erreur nous prenons un autre chemin qu’eux. Les sentinelles nous arrêtent. Nous objectons l’ordre du général, on nous demande un ordre écrit que nous n’avons pas, donc on nous retient. Un capitaine exige lui aussi un ordre écrit. Sur ordre du général contacté, nous devons mettre pied à terre, nous tourner vers Metz, nous asseoir dans le fossé avec menace de nous y mettre de force. Enfin arrive l’ordre de nous laisser passer, au grand regret d’un colonel qui aurait voulu nous retenir et qui exécute avec peine les ordres du général. On nous fait escorter jusqu’aux avant-postes par un soldat et un sergent.

Le général avait d’abord bien reçu le médecin Lefort et l’avait autorisé à partir, mais en sortant de chez le général il rencontre un colonel qui lui dit on ne sort pas ainsi de nos lignes. Le colonel le ramène chez le général auquel il dit quelques mots en allemand qui le font réfléchir, le rendent plus rude et il refuse de le laisser partir. Lefort rappelle au général sa campagne avec les prussiens et satisfait le général donna enfin l’ordre de le laisser partir.

Un délégué du comité vient de Paris Il se charge d’emporter nos cartes avec un mot pour nos familles. L’abus du brassard et du drapeau est la cause en partie notre mésaventure. Nous retrouvons Lefort et son confrère à Moulins où nous trouvons quelques blessés que nous ramenons. Deux autres médecins partis à 8 heures du matin à Colombey, rentrent à 8 heures du soir. Ils ont aussi été prisonniers pendant quelques temps.

22 août visite au 9ème de ligne et au 1er grenadiers. Causerie avec les officiers.

23 août La troisième ambulance est prisonnière des prussiens à Gravelotte.

Ils ont été fait prisonniers dont quatre mis au cachot, les autres gardés à vue et tenue en joue toute la nuit. On leur donna pour toute nourriture deux têtes de vaches. L’ennemi a envoyé à Longeville quatre d’entre eux, un chirurgien, un aide, un sous aide, un prêtre pour soigner des blessés. N’en trouvant pas ils sont venus à Metz. Nous les décidons à retourner auprès de leurs camarades. Nous allons avec Lefort voir le maréchal Bazaine et l’intendant général au sujet de cette troisième ambulance et du brassard dont on fait un abus scandaleux. On nous répond que les prussiens se plaignent qu’on ait ainsi pénétré chez eux et qu’ils garderaient le personnel et le matériel de la troisième ambulance. Quant au brassard on nous distribuera des cartes pour établir notre identité et on arrêtera les porteurs de brassards qui ne seront pas munis de cette carte. Visite au premier grenadier et éloge de Bazaine. On recommande à l’armée de diminuer les bagages et les officiers supérieurs ne resteront plus à cheval pendant l’action.

24 août L’ennemi garde la troisième ambulance et rendra probablement le personnel, mais gardera le matériel.

25août mon service s’installe, je fais des pansements de 8 heures du matin à 5 heures du soir. Les blessés viennent de l’esplanade qui nous expédie ceux dont elle désire se débarrasser. Plusieurs n’ont pas été pansés depuis 7 à 8 jours. Blessures très graves, délabrement considérable, caractère du soldat français en général patient, quelques uns criards. On dit que Mac Mahon est arrivé avec 200.000 hommes. Les prussiens font des tranchées devant le fort Saint Quentin qui leur envoie quelques obus sans leur faire de mal. Dès qu’ils aperçoivent la fumée, ils se couchent et le projectile les atteint peu ou pas.

26 août mon service se complète. Je fais une amputation de la jambe et une désarticulation du coude. On annonce une victoire de Mac Mahon qui aurait à Verdun cerné et détruit 20.000 prussiens sur 40.000 et pris 50 canons. L’armée a exécuté depuis ce matin de bonne heure un grand mouvement, elle quitte le mont Saint Quentin où elle était depuis Saint Privat, traverse Metz et se dirige vers les portes Serpenoise et des Allemands. Une autre partie contourne la ville et va par Saint Julien, Chambiere, dans la direction de Borny. Il parait que les prussiens auraient évacué les positions. Lefort nomme Rambour chirurgien, Liegeois s’y oppose.

27 août mouvement de troupes qui traversent Metz vers Borny et la contournent dans la même direction le soir. Dans la nuit on entend des coups de canons sur le fort de Saint Privat. Grande pluie.



28 août pluie continue.

29 août je fais une amputation de cuisse.

Nous sommes toujours bloqués à Metz et encombrés de blessés donnant beaucoup d’occupations, ce qui me fait passer par dessus les ennuis du blocus. On nous assure que d’un jour à l’autre nos communications seront rétablies par Mac Mahon qui est dans l’ignorance de ce qui se passe à 2 km de Metz, périmètre dans lequel est l’armée de Bazaine. Les premiers élans de l’ennemi semblent brisés, il est réduit à une inaction temporaire pendant laquelle nous nous réparons, tandis qu’il s’épuise par la famine et les maladies.

30 août je reçois un soldat légèrement blessé à l’avant bras gauche qui m’apprend que l’on forme dans les régiments, des compagnies de francs tireurs.

31 août On amène quelques prisonniers prussiens.

Dans la prévision d’un engagement plus sérieux, nous partons à seize avec une partie du personnel et deux fourgons. Nous passons la porte des Allemands et prenons la route de Boulay. Nous revoyons tous les endroits où s’est livrée la bataille de Borny. A l’endroit où la route bifurque pour fournir un embranchement sur Saint Avold et Sarrebruck j’aperçois sur cette dernière le fameux chemin creux conduisant à Colombey où s’offrit un si triste spectacle. Nous nous arrêtons près de l’angle de deux routes, nous garant dans un champ et attendant les événements. Toute l’armée a repris ses positions d’avant l’affaire de Borny, elle est rangée en bataille. Sur la droite l’artillerie, la cavalerie et des colonnes d’infanterie attendent. Sur la gauche à côté de nous se trouve la réserve infanterie, artillerie et en avant les tirailleurs se voyant en lignes noires dans les champs et dans les vignes. En face de nous légèrement sur la gauche sont les villages de Poixe, Servigny, Sainte Barbe que l’on distingue à son clocher et occupant le point culminant au centre. En avant Noisseville où sont établies de fortes batteries prussiennes, au centre aussi et dans un ravin Lauvallieres et Mey qui nous sont tout à fait cachées. A l’extrême gauche le fort Saint Julien et les collines qui le continuent. Ces positions sont couvertes de troupes, infanterie, artillerie, cavalerie. Nous attendons avec anxiété, il semble impossible que l’armée soit si bien apprêtée pour rester dans l’inaction.


A 4 heures, on entend trois coups de canon tirés par une batterie française située à gauche, sur la crête de la colline à coté de Grimont.

Ce doit être le signal d’une attaque. En effet au bout de quelques instants, des batteries situées au dessous de la précédente, ouvrent le feu sur Servigny. Des batteries prussiennes répondent en ce point. On voit l’armée prussienne masser des lignes noires dans les champs entre Poixe Servigny et Sainte Barbe.

De nouvelles batteries prussiennes les encerclent au dessous de Poixe, près de Sainte Barbe et engagent le feu contre les nôtres.

A la suite de la route, près de la ferme de Sainte Elisabeth, des batteries françaises tirent sur Noisseville et des batteries prussiennes leur donnent bientôt la réplique.

Le fort Saint Julien tire de temps à autre et fait, parait-il, le plus grand mal aux prussiens.



Toute la ligne est en feu, c’est un enfer de fumée, depuis Saint Julien jusqu’à Sainte Agathe. Sur ce dernier point des mitrailleuses se font entendre, elles donnent sur un corps prussiens qui s’est mis à découvert et qui est véritablement fauché.

Nous gagnons du terrain et voyons avec joie, nos batteries avancer tandis que le feu de l’ennemi se ralentit et s’éloigne.

A 6 heures1/2, on fait avancer l’infanterie pour s’emparer des villages. Les prussiens ont mis le feu à Servigny d’où s’élève une fumée noire ainsi qu’à Noisseville.

La fusillade perd en intensité, on voit un corps d’infanterie qui monte sur la droite pour tourner à Noisseville.

Lauvallieres, Noisseville et Servigny sont enlevés à la baïonnette, les prussiens ont des pertes considérables.

Un officier d’état-major passe au galop et nous appelle pour enlever les villages à la baïonnette, ce n’est pas encore fini, mais ça sera bientôt fait.

La nuit tombe, le calme renaît, toute la campagne est éclairée par les deux villages de Servigny et Noisseville qui brûlent, spectacle bien triste mais grandiose.

Nous devons partir, nous montons à cheval et suivons la route passant par Lauvallières, devant une maison où les prussiens avaient installé une ambulance qu’ils défendaient, après avoir évacué leur malades, bien qu’ils y eussent laissé le drapeau international.

A quelques pas de là, une vive fusillade assez rapprochée, nous fait faire une courte halte, puis nous continuons. Nous voyons bientôt un hameau avec une auberge et quelques maisons dépendant de Noisseville. C’est un point que les prussiens avait défendu avec acharnement, ils y avaient établi des barricades appuyées par de puissantes batteries, cependant leurs positions avaient été enlevées à la baïonnette. Les maisons sont pleines de cadavres prussiens, mais l’obscurité et la nuit empêchent de voir les traces de la lutte.

Cependant à quelques pas, se trouve le cadavre d’un français qui a été tué au moment où il franchissait la barricade. Il était passablement mutilé à la tête et les deux bras enlevés. Il n’y a pas de blessés dans cette maison et l’accès du champ de bataille étant entouré, de nuit il ne faut pas songer à chercher des blessés.

Après délibération nous décidons de nous partager en deux opérations. Les chefs de service retourneront à Metz, feront leur service le lendemain de bonne heure et reviendront immédiatement. Les autre resteront et passeront la nuit dans une maison qui se trouve au bout de la route.

Etant partant, je découvre la route encombrée de soldats effectuant des mouvements, tout le monde est dans l’enthousiasme, c’est une véritable victoire. A Metz c’est la même attitude.

(à suivre)

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