La guerre de 1870 autour de Metz - Suite 3

Du 1er septembre au 10 septembre

Récit (du vécu) par le médecin militaire

1er septembre Entendant la canonnade de grand matin, nous arrivons en poussant nos chevaux et trouvons la bataille engagée sur toute la ligne dans les positions que nous avons gagné la veille. Lefort, Liegeois et les autres ont dû quitter la maison qu’ils occupaient parce qu’elle s’est trouvée au milieu des projectiles. Nous les retrouvons à peu près à 200 pas de la bifurcation de la route.

Voici ce qu’ils nous apprennent. On s’est battu toute la nuit, les prussiens à la faveur de l’obscurité et peut-être aussi à l’insuffisance de notre garde, se sont emparés de Noisseville et de Servigny.

Nous avons repris l’offensive, nos batteries font taire celles que les prussiens ont établies à Noisseville. Nous nous sommes élancés à l’assaut et après un brillant combat d’infanterie et une épouvantable fusillade, nous restons maîtres de la position.

On avait fait un terrible carnage des prussiens hier soir, déjà leurs cadavres s’élevaient par place dans ce village, à la hauteur d’un mètre.

Aujourd’hui ça va être bien autre chose. Ce matin Lefort avec Lebeuf, accompagné de Changarnier, causent avec le général, chef d’état major du maréchal, qui se plaint vivement que les prussiens aient laissé le drapeau international sur une maison qu’ils avaient défendue.

Au moment où nous arrivons on canonne vigoureusement dans les mêmes positions que la veille au soir. Bientôt cependant les décharges d’artillerie redoublaient.

Les prussiens avaient reçu pendant la nuit des renforts de canonniers. Ils ont établi à Poixe une batterie composée de pièces de seize qui font énormément souffrir.

Toutes les fois que nous pouvons aborder l’infanterie prussienne la lutte n’est pas soutenue, nous les repoussons haut la main. Mais les prussiens le savent fort bien aussi compensent t-ils l’enlisement de leur infanterie par la supériorité de leur artillerie. Leur nombre des pièces est considérable, leur calibre est bien supérieur au nôtre.

Bien qu’instruit par l’expérience nous avons mis en batterie dans les deux journées des pièces de 12, mais nous n’avons pu tenir devant eux.

Nos communications étant coupées, il nous faut nous en tenir au matériel de Metz. Eux au contraire s’approvisionnent comme ils veulent. Ils se sont fait suivre de leur parc d’artillerie dont ils mettent les pièces en position.

A 10 heures une de nos batteries établie sur la gauche et tirant sur Poixe est obligée de se retirer et traverse la plaine en se rendant du coté de Sainte Agathe. Dans ce trajet elle passe devant Noisseville dont les prussiens sont maîtres en partie, les obus pleuvent sur elle quand elle arrive à l’extrémité droite. Presque au même moment les batteries de mitrailleuses allemandes arrivent en sens inverse, traversant la même plaine pour se porter sur la gauche. Les obus font dévier notre batterie, elle oblique un peu vers l’arrière. Les prussiens continuent à lui envoyer des obus, nous voyons ces éclats au milieu de la petite troupe qui a du produire des dégâts, juste au moment où elle s’engage dans un chemin creux.

Pendant ce temps nous étions assis sur le talus de la route élevée d’1m50, spectateurs intéressés par la lutte. Voyant avec une certaine inquiétude le feu prussien se rapprocher de nous, cependant la distance de Poixe jusqu’au point que nous occupions était tellement considérable, que nous nous disions la distance est certainement trop grande pour que nous courions du danger. A peine disions nous qu’il serait prudent de nous en aller, que nous entendons le sifflement d’un obus à quelques mètres au dessus de nos têtes. Nous nous précipitons tous à plat ventre et nous entendons la détonation se faire de l’autre côté de la route à une vingtaine de mètres de nous. Si le projectile avait éclaté en l’air ou du côté de la route que nous occupions, il arrivait malheur à quelqu’un de nous car il avait soufflé bien près à nos oreilles. A peine relevés, nous détalons sans retard et nous regagnons une petite maison située au niveau de la bifurcation de la route appelée Bellecroix dans laquelle une ambulance avait été établie à plusieurs reprises. Au bout de quelques instants on nous amène le général blessé à la partie haute de la cuisse d’un éclat d’obus qui avait enlevé une quantité considérable de partie molle. On le panse et on le transporte au fort Saint Julien où nous déjeunons.

Vers midi nos troupes évacuent Noisseville, nous les voyons se retirer en bon ordre et traverser cette longue plaine entièrement découverte.

Le mouvement de retraite commence, les troupes reculent peu à peu en excellent ordre et viennent reprendre les positions qu’elles avaient avant le combat de la veille. Une batterie d’artillerie s’établit sous notre maison en face de Noisseville pour protéger la retraite. Nous jugeons que notre position n’est plus tenable et nous partons avec nos fourgons remplis de blessés.

Nous nous retirons vers l’arrière et attendons la suite des événements. Le feu cesse sur toute la ligne, il est midi ½. Nous sommes près des villages de Vantoux et de Vallières, dans lesquels de nombreux blessés ont séjourné la nuit dernière. Je vais à Vallières, d’autres à Vantoux, voir s’il en reste encore. Il n’y en a plus, on les a tous évacué sur Metz. Rentrée à Metz à 3 heures. Plusieurs de nos infirmiers se sont engagés dans l’armée et nous quittent.

2 septembre Lefort et Goud vont chez les prussiens convenir d’un échange de blessés qui se fera demain.

Je rencontre Maffac qui me fait son récit sur les deux journées du 31 août et du 1er septembre.

L’attaque du 31 était ordonnée pour 2 heures. Les ordres sont envoyés à Lebeuf qui n’est pas prêt. On ne peut commencer qu’à 4h1/2. Sans cette perte de temps, peut-être aurait-on enlevé Sainte Barbe, clé de la position jusqu’à Thionville et nos communications étaient rétablies. Le 1er vers 11h, au moment où tout est prêt pour donner un grand coup de collier sur Sainte Barbe, où l’on va faire agir des batteries de 24 contre les prussiens, Lebeuf envoie une lettre à Bazaine disant que sa droite est tournée et qu’il ne peut plus avancer. L’armée est paralysée, on sonne la retraite.

3 septembre nouveau départ d’infirmiers. Lefort va rendre 97 blessés prussiens.

Proclamation au sujet de l’internationale. Nos cartes sont parties chez le grand prévôt pour y être visées. Je suis interrogé par un gendarme. Promenade avec Lefort au Ban Saint Martin pour récupérer nos cartes chez monsieur de Saint Sauveur que nous ne trouvons pas.

Nous allons à Saint Julien chez le général Manèque. Nous poussons jusqu’au fort.

7 septembre on s’attend pour la nuit à une attaque à Saint Julien.

Il est arrivé ce matin 600 prisonniers rendus par les prussiens, qui avaient été pris sur les troupes de Mac Mahon battu par les prussiens.

8 septembre on commente de tous côtés et chacun à sa façon les nouvelles d’hier, chacun croyant tenir d’officiers des nouvelles certaines mais contradictoires.

- Un sergent major aurait vu passer les prisonniers qu’on empêchait de communiquer avec les troupes et avec la population.

- Certains auraient dit qu’ils avaient été pris le 30 au matin. Parmi eux on aurait vu des soldats d’infanterie de marine, ce qui prouvait bien que ce n’était pas des prisonniers de Reichshoffen comme on l’avait prétendu.

- Des officiers ont dit à quelques uns d’entre nous, qu’il y avait eu 3 batailles levées par Mac Mahon, batailles indécises ou victoires secondaires, et que notre armée se trouvait à Sedan.

- Deux officiers de chasseurs disent qu’un habitant des environs de Nancy, ancien zouave, a raconté les choses à un de leurs amis. Il annonçait à Bazaine 3 victoires de Mac Mahon. Bazaine, lui aurait annoncé que nous serions débloqués le 10. Qui croire ?

- On prétend que depuis hier, les prussiens qui sont devant Metz font un mouvement de retrait. Cependant on voit très bien depuis Saint Julien, 3 fortes batteries de siège qu’ils construisent contre le fort. Ils ont également construit devant Montigny un camp retranché.

9 septembre le soir à 7 heures, violente attaque des prussiens contre les forts, favorisée par un temps épouvantable.

Canonnades très vives à Queuleu, Saint Quentin et Plappeville. Je vais sur l’esplanade par pluie effroyable avec rafales de vent. L’obscurité est interrompue par la lueur des batteries.

Au bout d’une heure environ les prussiens cessent le feu.

Le 9 au soir Lefort a reçu un grand nombre d’obus qui sont restés sans effet.

10 septembre visite au fort de Saint Julien.

On voit l’aspect du camp prussien près de Malroy avec leurs tranchées et leurs sentinelles dans les champs. On voit les avant-postes prussiens se mouvoir et se relever. Ils semblent sortir de terre.

Boucherie près des forts, on tue un cheval à côté de nous.

Une personne qui a beaucoup de relations au fort, arrive au moment où nous partons. Il m’apprend un accident arrivé à mon amputé de cuisse.

De retour à Metz nous escortons la voiture à cheval.

à suivre

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