La Maternité

Pierre Etienne Morlanne après des études de médecine, était devenu officier de santé à l’armée. Une nuit envoyé auprès d’une jeune femme en couche, il s’était trouvé face à un cas difficile. Il n’avait pas une grande expérience mais avait néanmoins réussi à sauver la mère et l’enfant.

Il avait alors décidé de quitter l’armée pour devenir médecin accoucheur. S’apercevant des lacunes de cette discipline et de l’ignorance des accoucheuses il avait organisé des cours d’accouchements. À la fin du 18ème siècle, il avait donné ses premiers cours à l’abbatiale Saint Vincent.

Il avait réuni autour de lui les filles les plus sérieuses pour les instruire dans la première école de sages femmes de Metz. Il avait également instruit des religieuses accoucheuses, avec qui il avait fondé la maternité. Il s’était aussi beaucoup intéressé au problème des filles mères.

Fondé par Morlanne, pour accoucher les femmes pauvres, vacciner et soigner leurs enfants, la Société de Charité Maternelle de Metz avait vu le jour en 1804. L’abbatiale Saint Vincent était devenue une école d’accouchements qui accueillait les femmes mais aussi les filles mères.

La maternité à Saint VincentLe premier décembre 1806 un devis avait été établi pour des travaux à faire dans le grand bâtiment. Il avait été envisagé d’agrandir le vestibule et de reconstruire un nouvel escalier. La cuisine devait être déplacée pour laisser la place à un réfectoire. Les cachots qui se trouvaient autour du bâtiment devaient être démolis et remplacés par une chambre à four et une buanderie. Le mur séparant les deux cours serait abaissé et la seconde grande cour plantée d’arbres. Morlanne avait fourni le linge, les lits, les meubles ainsi qu’un fonds de 4.000 frs dont les intérêts serviraient à l’accouchement des pauvres à domicile.

Morlanne avait instruit quelques filles dans l’art des accouchements. La dénomination d’infirmières des pauvres leur avait été donnée par le maire de Metz parce qu’elles visitaient les pauvres malades de la ville, pratiquaient la saignée, soignaient les enfants atteints de la teigne. Ces filles étaient employées au dépôt de mendicité [1] et au service des dames de la charité maternelle. Elles étaient chargées de l’accouchement des pauvres et faisaient aussi le service d’infirmières dans le local qui servait aux cours d’accouchements pour les élèves.

Règlement du 27 septembre 1809

Les filles prenaient l’engagement de se consacrer au service des pauvres malades à leur domicile, dans les hospices, dans les prisons. Elles s’occupaient des accouchements quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit et inoculaient la vaccine. Elles étaient tenues d’acquérir la connaissance des maladies des femmes en couches et des petits enfants. Pour être admises elles s’engageaient à être soumises et à être attachées pendant trois années consécutives à l’établissement. [2] Après ce temps elles pouvaient sortir pour se marier ou pour s’établir comme accoucheuse. Elles pouvaient également se réengager pour une année renouvelable.

Statistique 1810

155 femmes accouchées et secourues chez elles, 57 femmes accouchées à l’hospice, 110 accouchements gratuits, 35 femmes traitées pour maladies. Total 357 femmes. 322 femmes avaient eu 330 enfants [3], 5 accouchements prématurés, 180 garçons et 150 filles Décès 7 pendant la grossesse, 3 à la naissance, 20 pendant les 2 premiers mois. Aucun décès de femme. Depuis la création de l’hospice plus de 2.000 enfants vaccinés.

Suite à l’incendie de l’abbatiale Saint Vincent le 14 février 1811, le couvent des Trinitaires avait été mis à la disposition de Morlane, sauf la chapelle qui était devenue un temple protestant.

Aux Trinitaires Morlane donnait ses cours aux sœurs mais il n’avait plus d’école d’accouchements pour les filles mères. Elles étaient reçues à la Madeleine qui servait de maison de correction.

Le 28 novembre 1811 Morlanne avait acheté rue Mazelle, une partie du monastère de la visitation pour y créer une maison de santé. Il y avait logé les sœurs de la charité maternelle pour les femmes enceintes. Au début il n’y avait pas de chapelle, une salle servait d‘oratoire. Morlane avait demandé l’autorisation, qui lui avait été accordée, d’y ériger une chapelle dont la construction avait été terminée au début de l’année 1813. A cette date il y avait deux salles de 5 lits chacune. L’institut des sœurs de la charité maternelle avait été approuvé par le décret du roi du 2 décembre 1814. La maternité était placée sous la surveillance de la commission administrative des hospices de Metz. Les sœurs ne pouvaient pratiquer les accouchements hors de l’hospice qu’après avoir été reçues sages femmes. Une partie des sœurs remplissaient l’office d’accoucheuses, les autres servaient de gardes malades. Elles pouvaient assister les familles aisées qui réclamaient leur assistance.

Il y avait 8 sœurs à Metz : 4 pour le service intérieur, la supérieure, l’infirmière de la salle des accouchées, la cuisinière, la lingère qui s’occupait aussi de la pharmacie, les 4 autres qui se rendaient au dehors pour les accouchements et les accidents, avaient chacune un quartier distinct. Les sœurs portaient un costume uniforme simple et modeste avec autour du cou une croix portant l’inscription charité maternelle.

Règlement de la maternité du 2 décembre 1814

Les seules femmes légitimement mariées et munies d’attestation étaient admises pour leur accouchement. L’institut n’étant point établi pour favoriser les unions illégitimes, ne permettait pas aux sœurs de se prêter à l’accouchement des filles publiques.

L’association avait été reconnue institut religieux sous le nom de Sainte Félicité au cours d’une cérémonie religieuse par monseigneur l’évêque de Metz le 7 mars 1823. [4]

L’école des jeunes filles de la maternité était entretenue au moyen de souscriptions particulières qui étaient devenues insuffisantes ce qui en avait entraîné la fermeture au mois de novembre 1824.

Par décision du préfet du 24 avril 1849 il avait été établi un cours annuel et gratuit d’accouchement théorique et pratique destiné à l’instruction des sages femmes. Elles devaient avoir suivi deux de ces cours et vu pratiquer les accouchements pendant 9 mois ou les avoir pratiqué elles mêmes pendant 6 mois dans un hospice, sous la surveillance du professeur avant de se présenter à l’examen.

Il avait été nécessaire de réunir dans un seul endroit une salle suffisante pour les femmes à accoucher, une autre salle pour celle qui étaient délivrées, une salle pour la tenue des cours de 8 élèves au moins, un dortoir pour les élèves et une salle de réunions pour les professeurs. Une salle était indispensable pour faire les autopsies des femmes mortes.

Statistiques de l’année 1851

Morlanne fondateur, directeur, professeur d’accouchement

Mahu chirurgien accoucheur et professeur d’accouchement

Marechal et Ibrelisle docteurs en médecine, médecins consultants

Mennessier receveur

Sœurs habitant à la maternité

Supérieure honoraire

Supérieure générale

Sœur chargée du service de la salle des femmes accouchées

Sœur Assistante

Sœur Sacristaine

Une sœur chargée du service des pauvres de la paroisse notre dame,

une sœur chargée des paroisse Sainte Ségolène, Saint Eucaire et des femmes israélites,

une sœur chargée des paroisses Saint Vincent et Saint Simon,

une sœur chargée des paroisses Saint Maximin et Saint Martin

Sœur maîtresse des novices

17 sœurs

5 postulantes

Secours à domicile pour 410 femmes et 410 enfants accouchées gratuitement [5]. 360 femmes avaient reçu des secours et avaient été accouchées mais 50 n’avaient eu que l’accouchement gratuit [6], 51 accouchements à l’hospice.

La Société de Charité Maternelle de Metz avait été reconnue comme établissement d’utilité publique par décret impérial du 23 avril 1853.

Statistiques 1856

565 femmes accouchées gratuitement et 576 moyennant rétribution, 454 enfants vaccinés et 1712 soignés.

Accouchements au dispensaire départemental : 29 filles mères dont 4 mineures et 2 femmes mariées. Naissance de 14 garçons [7], 14 filles, 3 garçons morts nés [8], 1 fille morte née. première naissance 16 garçons, 14 filles, deuxième naissance 1 garçon, 1 fille.

Accouchements à la Charité Maternelle : 419 femmes mariées, 4 fois des jumeaux. Naissance de 220 garçons, 203 filles. 220 garçons dont 1 couple jumeaux, 203 filles dont 3 mortes nées, dont 3 couples de jumelles.

La plupart des accouchements avaient lieu au domicile de la femme, 40 à 50 environ se faisaient à l’établissement dans des conditions hygiéniques très heureuses, jamais d’encombrement, aussi la fièvre puerpérale était très rare et la mortalité à peu près nulle.

Prévision des achats d'alimentation pour 1868 : 900 kilos de viande de bœuf, 2.000 kilos de pain qualité bis-blanc.

En 1886 l’ancien établissement Sainte Elisabeth[9] était à vendre avec l’ancienne chapelle dite de la présentation [10]. La charité Maternelle l’avait achetée avec d’autres maisons avoisinantes. Le tout était dans un état de délabrement complet et la chapelle s’était écroulée. Il avait fallu reconstruire sous la forme d’un grand carré avec une cour intérieure et placer la chapelle en face de la porte d’entrée.

Par l’entrée principale qui ouvrait sur la rue du haut de Sainte Croix on arrivait dans la grande cour carrée. A droite le bâtiment de la communauté, à gauche celui du noviciat, au fond la façade principale de la chapelle. Les étages de la maison communiquaient avec l’hospice de la maternité qui avait son entrée principale rue des récollets.
Réservé pour les mères pauvres vivant en couple régulier, les filles mères n’y étaient pas admises. Deux chirurgiens enseignaient l’art de l’accouchement. Des pourparlers avaient été engagés avec la ville pour créer un asile pour les filles mères mais les démarches n’avaient pas abouti. Celles-ci étaient reçues au dispensaire municipal. La chapelle avait été consacrée le 27 juin 1886. L’abbé Jacques y avait prononcé l’éloge de Sainte Félicité le 7 mars 1887.

Après l’annexion allemande la société de charité maternelle avait continué à fonctionner.

En 1905 le dispensaire municipal était devenu insuffisant pour recevoir les filles mères, la maternité ne disposait que d’une vingtaine de lits et ne pouvait les accepter. La ville avait alors envisagé de construire un nouvel hôpital avec une annexe pour les filles mères.

Fin de l’année achat d’une maison et d’un terrain au numéro 1 de la place sainte Croix. [11] Des plans avaient été établis pour y construire une école de sages femmes et deux cliniques distinctes, l’une pour les femmes mariées, l’autre pour les filles mères.

Le gros oeuvre avait été commencé en 1906 et terminé en une année. Les installations intérieures avaient duré 18 mois.

Le bâtiment se composait d’un sous sol dans lequel se trouvait la chaufferie, la cuisine avec 6 montes plats.

Au rez de chaussée le bâtiment était divisé en 4 sections : l’école de sages femmes, la section des mères de famille avec une entrée distincte dans la rue des Récollets, la section des filles mères avec une entrée dans la rue de la fonderie, et la section des fièvres infectieuses avec une salle de 8 lits. S’y trouvaient également le bureau de la supérieure, les salles de classe et le réfectoire des élèves, les parloirs, les bureaux des médecins, une salle de consultation avec grands bains, et la chapelle provisoire des malades.

Au premier et deuxième étage chaque section avait ses salles d’accouchements et de bains grands et petits, et ses chambres de malades de 1 à 8 lits. Chaque étage avait sa chambre de garde malade et son office cuisine pour la distribution des repas. Le deuxième étage avait été aménagé en chambre à un lit pour une clientèle plus aisée.

Au troisième étage se trouvaient les dortoirs et salle de toilette pour les élèves.

L’établissement comptait une bonne centaine de lits, un ascenseur électrique pour le transport des malades qui réunissait tous les étages de la cave au grenier, les corridors bien éclairés facilitaient la communication entre toutes les pièces. Pour ne pas encombrer les chambres, toutes les armoires se trouvaient dans les corridors bien aménagés.

Electricité, chauffage central, eau chaude et froide dans tout le bâtiment apportaient le confort moderne à ce nouveau bâtiment.

La clinique gynécologique installée dans l’ancien bâtiment faisait face à la clinique maternelle.

Fin novembre 1908 les premières filles du dispensaire municipal avaient été amenées à la maternité.

Le 18 janvier 1909 avait eu lieu l’inauguration des nouveaux bâtiments de la maternité située à coté du couvent des soeurs.

En 1930 la maternité et le couvent occupaient les numéros 1 à 9 de la place Sainte Croix.

Notes

[1] à l’abbatiale Saint Vincent

[2] 3 années indispensables pour leur formation

[3] 8 fois des jumeaux

[4] Sainte Félicité était une jeune femme de 22 ans, une pauvre esclave, mariée à un esclave, accouchée au fond d’un cachot et dès le surlendemain exposée dans le cirque, en spectacle maltraitée par une vache furieuse, égorgée enfin par la main du bourreau.

[5] secours à domicile : pain viande fagots houille layette berceaux paille pour paillasse

[6] 44 avaient été accouchées gratuitement et 6 avaient été traitées comme malades

[7] dont un couple de jumeaux

[8] dont 1 décédé après l’accouchement

[9] en 1642 les religieuses de Sainte Elisabeth avaient acheté une petite cour et un bâtiment au haut de la place Sainte Croix vis-à-vis des Trinitaires

[10] supprimé en 1743, l’église avait longtemps servi d’entrepôt de tabac jusque vers 1880

[11] à ce numéro l’hôtel de la Bulette avait laissé la place au début du 16ème siècle à une prison qui fut supprimée au 17ème siècle

Ajouter un commentaire

Les commentaires peuvent être formatés en utilisant une syntaxe wiki simplifiée.

:-) ;-) :-/ :-| :-D :-( :-C 8-) :-o ;-( 8-O :-D

Fil des commentaires de ce billet

Ce billet n'a pas de commentaires


counter