Tous timbrés...

Aujourd'hui en classe, le maître est rentré avec un petit carton. Il l'ouvrit et sortit des carnets de timbres et des vignettes. Etait ce pour parfaire notre formation de commerciaux en herbe, affuter notre sens de l'humanitaire, contribuer à notre éducation de citoyens solidaires, ou encore parfaire notre esprit public-relécheun, nous devions vendre des timbres et des vignettes.

C'était au profit des centre aérés, pour les séjours d'enfants atteint de la tuberculose je crois.

A la sortie, nous nous précipitons vers nos secteurs de prédilection pour être les premiers. Rue des Roberts, nos premières victimes, les commerçant. Entrée fracassante dans la boulangerie; "Boujour madame, vous ne voulez pas nous acheter des timbres, c'est pour aider la tuberculose..."

Pour les commerçants, c'était la panique. Ils savaient que nous étions l'avant garde des forces de vente lachés sur les coeurs de cible. Ils nous en prenaient alors un, histoire de ne pas perdre notre clientèle pour l'éternité. Monsieur l'abbé Caillou n'avait pas fait attention. Il venait de sortir de la sacristie et de se faire happer par un tsunami vendeur: "P'sieu l'abbé, p'sieu l'abbé, y faut nous acheter un timbre".

Après avoir plumé la première ligne, il fallait tapper dans le dur. C'était le porte à porte. Chacun défendait solidement son quartier et son immeuble.

On se faisait en priorité les immeubles militaires de la sente à My et de la rue Gabriel Pierné.

Dring..... "Bonjour madame, vous voulez pas nous acheter des timbres, c'est pour aider la tuberculose ? - Non mon petit, c'est pour aider à lutter contre la tuberculose.
- Ouais d'accord, mais vous ne voulez pas nous en acheter quand même?"

Dring.... "Bonjour mons....." CLAC. Ben il est pas poli çui là.

Et le racket continuait. Le soir, nous nous éloignons de l'épicentre pour attaquer les maisons.

Je ne sais plus ou c'était, mais je revoie toujours une grand mère, vieille, très vieille, extrêment vieille nous ouvrir. Elle était petite, voutée, ridée, très ridée, les cheveux brancs épars tirés vers l'arrière attachés en chignon. Habillée d'une blouse bleu foncée avec des petites fleurs. Des bas d'une couleur indéfinissable, des charentaises usagées et surtout, plus une dent. Je pense qu'elle avait dû naître avant guerre, pas celle de 39 ni celle de 14, mais celle de 70. Son père avait dû faire Waterloo et son grand père être un contemporain de Louis XVI.

Quand elle nous ouvrait la porte, nous prenions de plein fouet les effluves d'un mélange d'odeur de soupe aux pois cassé, de pot au feu trop cuit et de vin rouge tournant au vinaigre. Le tout était relevé d'une pincée de DDT et d'odeur acre du pipi de chat.

Mais elle avait l'habitude de nous prendre un carnet entier. Quelle brave femme.
Je pense qu'elle est morte aujourd'hui, mais je pense toujours à sa générosité.

Enfin, la journée se terminait toujours de la même manière. De retour à la maison, nous demandions à nos parents de nous racheter les invendus. Ce serait bien sûr déduit de notre cadeau de noël, mais que ferait on pas au nom de la solidarité.

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